Nous étions le 31 décembre 1999 – cinq heures avant le début d’une nouvelle année et, de surcroît, d’un nouveau millénaire. Des employés des compagnies d’électricité d’Ottawa non encore fusionnées répondaient aux appels de clients, patrouillaient la ville, observaient le réseau d’électricité et surveillaient les programmes informatiques.
Les employés au travail à Ottawa Hydro ce soir-là faisaient un saut à la cafétéria du chemin Albion pour prendre un café ou jeter un coup d’œil à la télé afin de voir les festivités en attendant l’imminent coup de minuit!
On craignait les répercussions du changement de millénaire. Fallait-il s’attendre à une défaillance des systèmes? Les réseaux d’électricité tiendraient-ils le coup? Dans les bureaux et à l’extérieur, tout le monde avait ces questions à l’esprit.
À l’époque, la presse a contribué à alimenter cette incertitude avec des titres comme « Le réseau d’électricité résistera-t-il à l’an 2000? », « Procurez-vous la Trousse de l’an 2000 pour bien vous préparer », « Le bogue de l’an 2000 ramène les nouveaux véhicules à l’ère des carrioles sans cheval » et même « Pour l’an 2000, essayez les croquettes de saumon en conserve ».
B. J. Morin, alors adjointe du directeur général et trésorier de Kanata Hydro, se rappelle la panique et le stress qui se faisaient sentir à l’approche du Nouvel An : « La presse semblait n’en avoir que pour la catastrophe appréhendée. »
Ajoutons à cela que, selon un article (en anglais seulement) paru dans la revue Wired, des groupes de l’industrie ont affirmé à l’époque que le réseau d’électricité américain pourrait subir de « graves perturbations ».
Et, à Ottawa Hydro, les craintes concernant les systèmes informatiques étaient effectivement l’un des principaux sujets d’inquiétude auxquels les employés de la compagnie d’électricité avaient consacré d’innombrables heures au cours de l’année précédente, voire plus tôt.
Selon Ken Lewis, retraité et consultant, qui était alors directeur des ressources humaines par intérim à Ottawa Hydro, « c’était une tâche colossale ». Il rappelle que le logiciel de paie et les autres applications utilisées sur le système informatique central étaient exposés à un risque en raison du passage à la nouvelle année.
On craignait que les systèmes informatiques tombent en panne au moment où le calendrier passerait de 1999 à 2000. D’après un autre article (en anglais seulement) de la revue Wired, certains estimaient que le problème tenait au fait que les vieux ordinateurs encore utilisés pour des fonctions essentielles pourraient cesser de fonctionner au moment du passage de 99 à 00. Ils soutenaient que la convention de progression numérique, où le stockage des données reposait sur un système à deux chiffres pour désigner l’année, ne reconnaîtrait pas la logique d’un changement de siècle.
M. Lewis se souvient avoir travaillé avec des collègues de la TI afin de passer en revue des rapports et d’élaborer une stratégie de prévention. À son dire, c’est Peter Liu, alors directeur des systèmes d’information, qui a piloté la démarche concertée visant à protéger contre le bogue de l’an 2000 les systèmes de TI sous sa responsabilité à Ottawa Hydro.
La retraitée Cathy Guertin, superviseure de la programmation au sein de l’équipe de M. Liu, précise que les employés ont testé l’ensemble du matériel – les compteurs, les photocopieurs, les équipements, etc. – et assuré un suivi rigoureux.
« Nous avons fait une copie de notre système et créé des programmes informatiques pour remplacer le champ de date aammjj par aaaammjj », rappelle Mme Guertin. Ensuite, après avoir changé chaque date en fonction du nouveau système, nous avons testé tous les programmes modifiés pour voir s’ils fonctionnaient bien avec le nouveau champ de date. Tous les services devaient vérifier l’ensemble des rapports afin de s’assurer qu’aucune erreur de programme ne s’était produite.
Jusqu’à minuit, des employés de bon nombre d’entreprises de services publics d’Ottawa étaient au travail ou sur appel pour intervenir au besoin. Et à minuit le 1er janvier 2000, leurs systèmes – et tous les autres – ont très bien fonctionné. Mais ce fut au prix d’une préparation intensive.
« D’après moi, la transition s’est faire en douceur grâce à l’immense travail de préparation accompli avec les employés et nos fournisseurs de logiciels, souligne B. J. Morin, membre de l’association des retraités d’Hydro Ottawa. Les minuteurs et les horloges ont indiqué le temps sans grand problème. Nous n’avons pas perdu de données et les périodes de facturation ont continué comme prévu. Nos vérifications croisées ont confirmé que nous avions accès à toute l’information historique. »
« La vie a continué… Le transfert s’est fait sans heurt et il n’a eu aucune répercussion sur la paie, précise Ken Lewis. Nous sommes entrés dans l’an 2000, qui a été une année importante pour nous dans le monde de l’électricité. »
Après tout, c’est cette année-là, plus précisément en novembre, que toutes les compagnies d’électricité locales ont fusionné.