Il y a une multitude de raisons pour lesquelles la demande d’électricité est en hausse. Poussée par les changements climatiques et l’engagement du gouvernement du Canada envers la carboneutralité d’ici 2050, l’électrification de notre économie passe par différentes choses, notamment : la décarbonation – par l’énergie renouvelable – des derniers réseaux électriques canadiens (20 %) qui génèrent encore des gaz à effet de serre, l’élimination des combustibles fossiles de nos véhicules et habitations, et le recours à des procédés plus propres dans les industries minières et sidérurgiques du Canada.
Mais il y a aussi d’autres facteurs en jeu. « Je pense que lorsqu’on voit toute la pression sur le système, qu’il s’agisse des objectifs de carboneutralité, des priorités en matière de logement, de l’accélération du développement numérique et du soutien de l’électrification, la pression sur les entreprises locales d’électricité ne semble jamais avoir de fin », souligne Teresa Sarkesian, présidente et cheffe de la direction de l’Electricity Distributors Association (EDA).
Pour relever efficacement ces défis, il est essentiel que le réseau soit préparé et adaptable afin de pouvoir répondre aux besoins évolutifs des Canadiens. Mme Sarkesian fait remarquer que la seule façon de répondre à toutes ces pressions consiste – pour les entreprises d’électricité – à disposer d’un réseau paré à toute éventualité.
« Lorsque je suis arrivée à l’EDA en 2009, la province était en train de fermer les usines de production alimentées au charbon et raccordait toutes sortes d’installations de production d’énergie renouvelable à cause de la Loi sur l’énergie verte », raconte Mme Sarkesian. « À l’époque, la demande d’électricité des clients était stable ou en déclin. Quinze ans plus tard, nous prévoyons maintenant des hausses massives de la demande d’électricité, qui pourrait même doubler d’ici 2050. »
Dans le but d’estimer la demande d’électricité des années à venir, les sociétés locales de distribution (SLD) comme Hydro Ottawa avaient l’habitude de recueillir de l’information auprès des municipalités, des promoteurs immobiliers et des clients, puis transmettaient ces données à la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) pour que celle-ci puisse planifier à l’échelle provinciale. Cependant, ce modèle est en train de changer en raison de certains facteurs comme l’électrification et l’adoption croissante des véhicules électriques. Résultat : une hausse de la demande d’électricité à la fois chez les nouveaux clients et les clients existants. Compte tenu de ce changement, les SLD doivent ajuster leur méthode de prévision et de planification pour tenir compte de l’évolution du contexte énergétique.
Par exemple, dans le passé, Hydro Ottawa construisait un nouveau poste de transformation tous les 10 ans (en moyenne). Cependant, pour suivre le rythme de l’électrification à l’échelle locale, cette fréquence va vraisemblablement s’accélérer.
Qu’est-ce que ça signifie pour l’avenir?
La SIERE prévoit que la demande d’électricité va augmenter, en moyenne, de 2 % par année au cours des prochaines décennies : de 144 térawattheures (TWh) en 2023 à 245 TWh d’ici 2050. Il faut savoir qu’un térawattheure représente un billion de wattheures. Pour bien comprendre, un seul térawattheure suffit pour alimenter pleinement 70 000 habitations durant une année complète.
« Il nous a fallu environ 100 ans pour amener le réseau à sa taille actuelle, mais il va nous falloir presque doubler le réseau actuel en seulement 25 ans. Ce qui veut dire que nous devrons agir quatre fois plus vite », explique Teresa Sarkesian. « Et le réseau ne va pas être construit avec de simples poteaux et fils, et avec une circulation d’énergie unidirectionnelle, comme ç’a été le cas pour la majeure partie des 100 dernières années, ça va être beaucoup plus complexe. »
Plus précisément, Mme Sarkesian souligne que ce nouveau réseau d’électricité modernisé va nécessiter une circulation d’énergie bidirectionnelle afin de permettre aux clients de vendre leur propre énergie au réseau. Le réseau va exiger l’optimisation de toutes les ressources énergétiques disponibles, y compris les panneaux solaires des clients et les batteries de stockage d’énergie, afin de réduire les coûts et d’éviter de « surconstruire » le réseau. « Cette collaboration entre les clients et leur distributeur d’électricité est cruciale pour la constitution d’un système énergétique plus efficace et plus rentable au fil du temps », précise Mme Sarkesian.
Cette hausse de la demande amène à la fois des défis et des possibilités. D’une part, elle requiert des investissements considérables dans l’infrastructure du réseau afin de s’assurer que le système puisse composer avec la charge accrue. Elle nécessite aussi une transition vers des sources d’énergie plus propres pour réduire notre empreinte carbone et atténuer les effets des changements climatiques. D’autre part, cette demande croissante crée également d’exaltantes possibilités en matière d’innovation et de développement dans le secteur de l’énergie. Les ressources renouvelables – comme l’éolien et le solaire – sont en train de devenir de plus en plus concurrentielles tandis que les technologies de stockage d’énergie connaissent une progression rapide.
« Notre vision pour l’avenir est grande, mais elle est sensée », ajoute Mme Sarkesian. « La transition énergétique, c’est maintenant. Ce n’est pas quelque chose qu’il faut envisager pour l’avenir. Le plus grand risque, c’est de ne pas agir ou de pelleter le problème par en avant. Si on ne saisit pas dès maintenant les occasions de commencer à travailler sur ces enjeux importants, on pourrait rater des possibilités de développement économique, on pourrait perdre des emplois, on pourrait perdre des investissements et on pourrait aussi perdre nos talents. »
L’enjeu de l’abordabilité
Bien entendu, ce type de transition énergétique requiert des investissements considérables dans l’infrastructure, la technologie et les programmes. Et bien sûr aussi, ces investissements soulèvent des enjeux : comment atteindre l’équilibre entre l’abordabilité pour des populations vulnérables et le niveau d’investissement nécessaire pour moderniser le réseau et mettre en œuvre de nouvelles initiatives énergétiques.
Il y a deux ans, la EDA a réalisé un sondage auprès de la clientèle qui a révélé des perspectives divergentes : qui devrait payer pour différents aspects de la transition énergétique? Les consommateurs d’électricité qui ont été sondés estimaient qu’ils devraient payer pour l’infrastructure de recharge des véhicules électriques puisque tout le monde en bénéficie, mais une majorité (58 %) étaient d’avis que ce sont les contribuables qui devraient financer la modernisation du réseau pour l’adapter aux changements climatiques et aux cibles de carboneutralité.
« Je pense que c’est un élément très intéressant qui est ressorti de notre sondage », dit Mme Sarkesian. « Comme nous sommes très préoccupés par l’abordabilité dans le contexte des années et décennies à venir, nous avons présentement ces conversations avec le gouvernement fédéral, parce que nous comprenons qu’il s’agit d’un énorme changement que nous allons tous vivre ensemble. »
Quoi qu’il en soit, les sociétés locales de distribution comme Hydro Ottawa sont déterminées à fournir un service d’électricité sécuritaire et fiable à leurs clients, et ce, malgré les hausses de la demande sur le réseau. Pour nous adapter, nous apportons des améliorations au réseau, par exemple : systèmes de surveillance en temps réel pour améliorer l’efficacité et la fiabilité; investissements dans l’infrastructure numérique pour accroître la sûreté et la cybersécurité; et améliorations physiques pour protéger l’infrastructure contre les phénomènes météo extrêmes et les changements climatiques.
Pour écouter notre entrevue complète avec Teresa Sarkesian de la EDA, branchez-vous sur le balado ThinkEnergy (en anglais seulement).