Réaction d’un ingénieur aux mythes nucléaires

L’énergie nucléaire joue un rôle immense au Canada – et encore plus en Ontario.

Au Canada, des centrales nucléaires produisent de l’électricité depuis le début des années 1960 et représentent aujourd’hui environ 15 % de l’approvisionnement en énergie du pays. En Ontario, où se trouvent 18 des 19 réacteurs du pays, l’industrie nucléaire fournit plus de 58 % de l’électricité de la province.

Après l’élimination complète des centrales à charbon en 2014, la production d’électricité en Ontario a évolué en tirant parti des sources d’énergie suivantes : nucléaire, hydraulique, gaz naturel, éolienne, solaire et biomasse. Résultat : environ 94 % de l’électricité produite en Ontario ne génère aucune émission.

Bien que les centrales nucléaires produisent une énorme quantité d’électricité sans émission de carbone, bien des gens pensent qu’il ne s’agit pas d’une source d’énergie propre. D’ailleurs, l’industrie nucléaire est généralement absente du discours portant sur l’énergie propre. Pourtant, les réacteurs nucléaires n’émettent aucun gaz à effet de serre (GES) et, au cours de leur vie utile, ils totalisent des émissions comparables à celles des installations éoliennes et solaires.

Matthew Mairinger, ingénieur technique de l’entreprise Ontario Power Generation et chef des opérations canadiennes de l’organisme North American Young Generation in Nuclear, remet les pendules à l’heure.

« Chaque année, l’énergie nucléaire permet d’éviter 80 millions de tonnes d’émissions de CO2, ce qui équivaut au retrait de 17 millions de voitures de la route », souligne Matthew Mairinger. « Les centrales nucléaires ne produisent aucun dioxyde de carbone, elles ne produisent pas de mercure et elles ne produisent pas les substances néfastes qui sont attribuables à la combustion du charbon et du gaz. Grâce à l’industrie nucléaire, le Canada produit aussi 70 % de la réserve mondiale de cobalt 60, qui est utilisé dans des traitements contre le cancer et dans la stérilisation de matériel médical.»

Défauts de conception à Tchernobyl

Parmi les mythes populaires au sujet de l’énergie nucléaire au Canada, on entend souvent que ce n’est pas sécuritaire, que c’est mauvais pour l’environnement et que nos réacteurs peuvent causer une catastrophe semblable à celle qui est survenue en 1986 à la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Union soviétique. M. Mairinger affirme que ce n’est absolument pas le cas.

« Le nucléaire compte parmi les sources d’énergie les plus sécuritaires au monde », indique-t-il. « La conception de la centrale de Tchernobyl recourait au graphite comme modérateur. La centrale n’avait aucune structure de confinement, elle était exploitée en Union soviétique durant la Guerre froide, ce qui fait qu’elle n’était inspectée par aucun organisme indépendant. Pire encore, il n’y avait que des représentants politiques dans la salle de contrôle; imaginez tout ce qui est possible de faire de travers, eh bien c’est ce qui se faisait là-bas. »

M. Mairinger ajoute que les gens oublient que la technologie nucléaire était encore relativement jeune à cette époque, précisant qu’elle n’existe que depuis environ 60 ou 70 ans. Il affirme que de nos jours, les nouvelles conceptions des réacteurs nucléaires sont fondamentalement sécuritaires.

CANDU : l’atout du Canada en production d’énergie nucléaire

Au Canada, tous les réacteurs nucléaires sont de type CANDU (Canadian Deuterium Uranium), en référence à l’utilisation d’oxyde de deutérium et de combustible à l’uranium naturel. Il s’agit d’une conception canadienne que plusieurs autres pays utilisent dans leurs installations nucléaires. Ce qui distingue la technologie canadienne est l’utilisation d’oxyde de deutérium dans le modérateur. Cette « eau lourde » a un neutron supplémentaire qui permet d’utiliser de l’uranium naturel (dont le Canada possède de grandes ressources et qui est plus sûr à manipuler et à éliminer). Autres caractéristiques clés : les réacteurs disposent de deux systèmes d’arrêt indépendants et d’un procédé de rechargement en continu du combustible.

« Après l’accident de Tchernobyl, l’Association mondiale des exploitants nucléaires a été créée afin de mener des audits indépendants dans le but d’assurer la sécurité autour du globe », raconte M. Mairinger. « Il y a également des audits d’assurance, des inspections par les Nations Unies, des inspections par la Commission canadienne de sûreté nucléaire, des évaluations du Nuclear Safety Review Board et des audits de surveillance nucléaire, le tout permettant de s’assurer que les installations nucléaires soient sécuritaires. »

Vers un avenir sans carbone

Dans la perspective d’un avenir décarboné, il est fondamental de pouvoir compter sur un approvisionnement en énergie stable et fiable. D’ailleurs, l’Ontario et le Canada tiennent à disposer d’un réseau efficacement électrifié et à réaliser des projets majeurs comme l’électrification des transports. Les centrales nucléaires ont une durée de vie utile de 60 à 80 ans, elles sont très fiables et ont un coefficient de production élevé leur permettant d’amorcer la réaction en chaîne nécessaire pour faire du Canada un pays plus propre et sans émission.

« Si on regarde les pays qui ont réussi à décarboner le plus rapidement, notamment la Suède, la France et les Émirats arabes unis, on constate qu’ils ont en fait utilisé le nucléaire pour parvenir à leurs fins », explique M. Mairinger. « Alors, contrairement à ce que les gens peuvent penser, c’est-à-dire qu’il faut beaucoup de temps pour construire et mettre en service des centrales nucléaires, celles-ci contribuent pourtant à décarboner rapidement les pays. »

Grâce à une initiative de réfection, l’entreprise Ontario Power Generation a commencé à mettre à niveau et à améliorer quatre de ses 10 réacteurs nucléaires en 2016, prolongeant ainsi de 30 ans leur durée de vie utile. Bruce Power en fait actuellement de même pour six de ses huit réacteurs. Certains projets ont été quelque peu retardés en raison de la pandémie, mais sinon les choses suivent leur cours normal dans l’industrie nucléaire, non seulement au Canada et en Amérique du Nord, mais aussi partout dans le monde.

« La COVID nous a réellement ouvert les yeux sur les risques d’approvisionnement », souligne M. Mairinger. « Pendant que tant de gens craignaient de manquer de papier hygiénique, personne ne paniquait au sujet de notre approvisionnement en électricité. Le nucléaire a vraiment joué un rôle de pilier durant la COVID, ici en Ontario, en permettant à la province de s’assurer que nos hôpitaux soient fonctionnels, que nos maisons soient chauffées et que nos supermarchés restent ouverts. Dans une grande part, on doit cela à la stabilité de notre réseau d’électricité et, par ricochet, au nucléaire. »

Lorsqu’on lui demande ce qui l’intéresse le plus dans le secteur du nucléaire, M. Mairinger souligne ceci : « C’est vraiment l’impact qu’on a dans la lutte aux changements climatiques et dans la lutte à la pollution. Nous sommes encore les laissés-pour-compte dans le milieu quand ces sujets sont abordés, mais il est important que l’énergie nucléaire soit reconnue à sa juste valeur. Je crois réellement que c’est notre secteur qui va faire la différence. »

Images de la centrale nucléaire de Darlington, gracieuseté de l’entreprise Ontario Power Generation:

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Pour en savoir plus sur l’avenir du nucléaire, notamment sur les petits réacteurs modulaires pour les collectivités éloignées et les pays en développement, en apprendre davantage sur la radiation ou sur ce que fait la jeune génération de professionnels du nucléaire, écoutez l’entrevue complète avec Matthew Mairinger dans l’épisode « A CANDU Attitude on Nuclear Energy » du balado ThinkEnergy (accessible en anglais seulement).

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